Les conclusions des Etats généraux des maltraitances ont été restituées le 2 octobre dernier en présence de Madame Aurore Bergé, Ministère des Solidarités et des Familles et de Madame Fadila Khattabi, Ministre déléguée chargée des Personnes handicapés. Vingt constats et 70 propositions ont été présentés et constituent, avec les rapports d’expert, le socle de la stratégie de lutte contre les maltraitances lancée dans les prochaines semaines. Parmi ces 70 propositions, la FORAP (Fédération Nationale des Structures Régionales d’Appui à la Qualité des Soins et la sécurité des patients) souhaite appuyer les initiatives et ressources pouvant être mobilisées pour participer à la déclinaison de la stratégie de lutte contre les maltraitances, s’agissant particulièrement de contribuer aux objectifs suivants :
En appui sur les questions de qualité des soins et de sécurité des patients et des personnes accompagnées, les Structures Régionales d’Appui à la Qualité des Soins et la Sécurité des patients (SRA QSSP) ont pour principale mission d’accompagner le développement de la culture de la sécurité par notamment l’analyse des évènements indésirables graves associés aux soins. Elles contribuent ainsi au développement de la culture de la sécurité en apportant soutien méthodologique et expertise en vue d’améliorer la qualité des soins et la sécurité des patients et de prévenir la survenue des évènements indésirables associés à des soins, tout au long du parcours de la prise en charge du patient. Ce soutien au bénéfice des patients et des personnes accompagnées se déploie auprès des professionnels exerçant en établissements de santé, en structures médico-sociales et en soins de ville.
Acteurs de première ligne régionale pour accompagner les professionnels et structures, quel que soit leur mode d’exercice, à l’amélioration des pratiques et des organisations, les SRA QSSP rassemblées au sein de leur fédération nationale, la FORAP ont contribué significativement à outiller, dans la co-construction avec les patients et personnes accompagnées, et accompagner les professionnels à la promotion de la bientraitance et à la lutte contre les maltraitances :
Par ailleurs, la FORAP contribue aux travaux en cours au niveau de la Haute Autorité de Santé “Déploiement de la bientraitance et gestion des signaux de maltraitances en institution (repérage et analyse)”.
Enfin, des initiatives et expérimentations régionales sur de nouvelles approches intégrant le vocabulaire partagé sur les maltraitances sont en cours et viendront alimenter les ressources existantes (ex : cartographie des vulnérabilités sur le parcours des patients / personnes accompagnées, vidéos témoignages, adaptation de jeu pour évaluer avec le résident etc.)
Aborder les maltraitances d’un point de vue systémique : l’enjeu d’une démarche d’amélioration continue de la qualité et la sécurité des patients et des personnes accompagnées
La lutte contre les maltraitances en institution est étroitement liée à la démarche qualité et gestion des risques. Elle doit reposer sur une approche systémique, c’est à dire le questionnement du système de fonctionnement dans ses dimensions humaines et organisationnelles et non se réduire à la responsabilité individuelle du ou des professionnels. La mobilisation de cette approche reste complexe tant l’expression même du terme "maltraitance" renvoie au caractère inacceptable.
Nous ne pouvons nier l’existence de maltraitances intentionnelles ; pour autant, la grande majorité des maltraitances sont non intentionnelles et sont toutes multifactorielles. Elles mettent de fait les professionnels dans une certaine forme d’insécurité dans leurs pratiques individuelles et collectives voire dans une perte de repères, de questionnement sur leurs propres valeurs.
Prévenir les maltraitances implique une véritable dynamique de promotion de la bientraitance, portée par l’institution. Il s’agit de mobiliser à la fois :
Ces démarches contribuent au renforcement de la culture de la sécurité à tous les niveaux (individuel, collectif, institutionnel).
Les récentes évolutions des référentiels de la Haute Autorité de Santé en sont une avancée à saluer :
Le vocabulaire partagé sur les maltraitances qualifie la maltraitance d’évènement indésirable associé aux soins et aux actes d’accompagnement. Cela souligne l’importance de pouvoir mobiliser ces situations dans une démarche vertueuse d’amélioration des pratiques et des organisations.
Comme toute démarche de retour d’expérience, la FORAP souhaite souligner l’importance de prendre en compte trois principales conditions de réussite :
La nécessité de parler de la même chose : la définition commune
La définition inscrite dans la loi de février 2022 et la nomenclature associée nous permet désormais de pouvoir avec un langage commun ; il s’agit d’un premier repère essentiel :
« Il y a maltraitance d’une personne en situation de vulnérabilité lorsqu’un geste, une parole, une action ou un défaut d’action, compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux et/ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d’accompagnement. »
Les travaux sur le vocabulaire partagé nous apporte des clés de lecture sur les échelles de responsabilité (individuelles, collectives et institutionnelles) qui ne sont pas exclusives les unes des autres et nécessitent une analyse au cas par cas « […] Lorsque la responsabilité identifiée est individuelle en première analyse, une examen ultérieur approfondi peut révéler un caractère systémique du problème et donc mettre à jour également une responsabilité collective voire institutionnelle […] »
Ainsi, seule une analyse systémique des situations dans une visée d’apprentissage et de réduction de probabilité de reproduction de la situation permettra d’en comprendre les mécanismes de survenue.
✅ Les travaux menés par la Haute Autorité de Santé et la FORAP sur le retour d’expérience sont une ressource essentielle à contextualiser et à mobiliser.
Une culture partagée des apprentissages par l’erreur et les écarts : la culture juste
Les éléments de définition constituent des repères pour l’appui aux analyses collectives et à l’action. Ces repères ne peuvent être intégrés que dans une culture partagée de la culture de la sécurité à tous les niveaux : sur le plan institutionnel, sur le plan managérial, sur le plan des équipes et à l’échelle individuelle. Il s’agit alors de développer une culture juste face à la survenue des situations de maltraitance. Cette approche est essentielle pour permettre de progresser ensemble sur les enseignements à tirer des situations de la maltraitance. La culture juste est une approche encourageant à répondre de façon cohérente, constructive et équitable à la survenue d’un évènement indésirable associé aux soins.
« Le management est équitable et loyal, il ne tire pas de conclusions hâtives suite à la survenue d’un événement indésirable. Les différences entre erreur involontaire et faute délibérée sont clairement définies. L’erreur humaine involontaire est analysée de manière approfondie et non pas blâmée. Un climat de confiance entre les professionnels et le management se développe et permet de partager des informations pertinentes pour la sécurité. » Source : guide HAS-FORAP « Enquête sur la culture de sécurité : comprendre et agir »
La culture juste s’inscrit donc dans une approche globale de culture de la sécurité et fait appel à une posture institutionnelle et managériale face à la survenue d’un évènement indésirable associé aux soins. En pratique, la culture juste doit permettre une transparence sur les modalités d’actions entreprises lors de la survenue d’une erreur humaine et ainsi favoriser / faciliter la remontée d’informations et l’alerte pour optimiser le retour d’expérience : soutien des professionnels au partage de leurs erreurs, accompagnement des professionnels dans une démarche de culture juste, responsabilité individuelle sur le niveau de sécurité attendu et les moyens qui en découlent, réponse individualisée aux pratiques déviantes.
La formalisation de cette posture institutionnelle est essentielle et peut se traduire par exemple sous forme d’une charte d’incitation à la déclaration incarnée dans les pratiques telle que celle usuellement utilisée pour favoriser la déclaration des évènements indésirables associés aux soins et permettant en outre d’expliciter le statut de lanceur d’alerte
✅ Les travaux expérimentaux menés en Auvergne-Rhônes Alpes ainsi que l’exemple de mobilisation en Suisse sont des pistes de ressources et actions à mobiliser et à contextualiser.
Un cadre méthodologique d’analyse structurée
Les démarches de prévention et de questionnement sur les pratiques existent en matière de promotion de la bientraitance et de prévention de la maltraitance mais la connaissance des « données » sur le sujet se situe dans le cadre des signalements externes et/ou des plaintes et réclamations. On perçoit, on pressent, on croise avec des situations recensées mais on ne quantifie pas, on ne nomme pas à ce jour ces évènements dits indésirables, notamment les situations précurseurs comme des situations de maltraitance. Par ailleurs, lorsque ces situations font l’objet d’alerte, elles entraînent un marqueur fort de culpabilité et de recherche de responsabilité. Il est donc essentiel de mobiliser le cadre méthodologique des démarches qualité et gestion des risques au sein des établissements en mobilisant les approches déjà existantes : cartographie des risques et analyse des évènements indésirables associés aux soins et aux actes d’accompagnement.
Il s’agit de disposer d’un cadre d’analyse structuré et adapté à ces situations, de façon pluri-professionnelle et avec l’objectif de partager les enseignements pour la mise en place d’actions correctives sur les pratiques mais aussi sur les organisations. Le cadre d’analyse sur les EIAS doit être contextualisé à l’analyse des situations de maltraitance et intervenir en complément des démarches par exemple de réflexion éthique : prendre en compte le risque de maltraitance comme un risque à part entière de la survenue des évènements indésirables associés aux soins et aux actes d’accompagnement.
✅ La question du repérage de ces situations et de l’alerte dans un objectif de retour d’expérience est donc encore à faire progresser ; cela nécessite du dialogue, de l’écoute partagée mais aussi un cadre de référence nécessaire pour mieux avancer sur le sujet : cartographie des risques, méthode d’analyse des EIAS, intégration des récits des patients et personnes accompagnées, etc.
La FORAP et les SRA QSSP tiennent à réaffirmer leur engagement et mobilisation pour contribuer à l’amélioration des pratiques et des organisations dans le champ de la santé et apporter expertise et méthodologie dans le cadre des démarches de lutte contre les maltraitances.
Le collège de la FORAP
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